Face
à la loi en général, il nous arrive d’éprouver un malaise. Soit elle nous
apparaît contraignante comme un obstacle à notre liberté personnelle. Soit elle
semble promouvoir un idéal trop élevé que nous ne nous sentons pas capables
d’atteindre. Jésus, en parlant de la Loi de Dieu, récuse de telles approches.
« Je ne suis pas venu abolir la loi mais bien l’accomplir ». Autrement
dit, pour le Christ, la Loi possède en elle-même le moyen d’être dépassée.
Attention, dépassée, mais pas contournée ! En effet, la Loi de Dieu nous
invite à notre propre dépassement ; elle invite à franchir nos propres
limites, non dans la transgression mais dans l’accomplissement. La Loi
respectée, honorée, vécue comme une parole de vie de la part de Dieu m’ouvre à
des horizons de vie nouvelle. Jésus nous oblige à ne pas nous contenter du
politiquement correct, mais à saisir l’élan profond de la conversion.
En accomplissant la
loi, le Christ libère ses disciples de la loi c’est-à-dire qu’il l’inscrit à
jamais au fond des cœurs. Le Christ inscrit la loi au fond des cœurs, parce
qu’il dit à ses disciples que ce qu’ils faisaient auparavant par respect de la
loi, c’est-à-dire par devoir, par soumission, tristement, ils le feront
dorénavant par amour, c’est-à-dire librement. L’accomplissement de la Loi se
révèle en nous par la charité qui élargit notre cœur et nous rend capables
d’agir à la manière du Christ. En ce sens l’obéissance à la loi est un
accomplissement, parce que la loi repousse les limites que nous nous imposions.
Par exemple : le respect de la vie était, dans la loi de Moïse, une contrainte,
un impératif, un commandement : « Tu ne tueras point ». Cette loi devient, dans
la bouche de Jésus, l’affirmation joyeuse de l’amour de l’autre, le respect de
sa liberté, de la justice... « Vis, heureux es-tu ». Si tu vis dans l’amour et
par l’amour, tu n’as que faire des lois puisque tu aimes. L’amour devient ainsi
la valeur par excellence.
Ceci pourrait nous
amener à faire la distinction entre « principes » et « valeurs ».
Nous pourrions appeler « principe » tout ce que nous faisons par devoir et «
valeur » tout ce que nous faisons par désir et/ ou par amour. C’est pourquoi
les valeurs nous libèrent des principes, mais les principes conduisent aux
valeurs ou les entretiennent en nous. On a besoin de principes dans la vie,
mais si les principes ne mettent pas en application des valeurs, l’homme des
principes devient un pauvre idiot. Quelle mère nourrit son enfant par devoir,
par principe ? On ne le fait pas par devoir mais par amour. L’amour y suffit et
vaut mieux. L’amour libère des principes, l’amour libère de la loi. En nous
disant qu’il est venu accomplir et non abolir, Jésus tente de nous montrer que
la loi et l’amour ne s’opposent pas, mais sont deux moments dans un même
processus : on commence par se soumettre à la loi puis on comprend qu’il est
encore mieux de faire par amour ce qu’on nous a appris à faire par devoir. La
loi, en agissant comme des balises au bord du chemin, nous grade dans la voie
et dans la bonne direction. Jamais les balises ne peuvent remplacer la route ni
son terme ; jamais des glissières de sécurité ne se suffisent à
elles-mêmes. La loi et l’amour sont donc deux choses différentes mais pas
opposées au sens où on devrait choisir entre les deux. La vérité, c’est que
nous avons besoin des deux : quand l’amour est là, on n’a plus besoin de loi :
nous n’avons besoin de loi que faute d’amour.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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