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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 26 avril 2013

Homélie du 5ème dimanche de Pâques ( C) - 28 avril 2013

L’évangile, aujourd’hui, nous replace dans un contexte assez sombre, celui du dernier repas de Jésus et des adieux qui l’accompagnent. Jésus sait que, désormais, sa mort est imminente ; ses disciples le comprennent. L’heure est grave, l’ambiance lourde.
Quand nous sommes confrontés à la perte d’un être cher, nous savons que nous ne pouvons rien faire contre cette séparation, alors nous essayons de prolonger la présence de l’autre : certains auront à cœur de mener à terme des projets imaginés ensemble, d’autres voudront rester fidèles à des valeurs reçues, d’autres encore s’attacheront à des paroles ou des images.
Jésus sait tout cela. Il prend l’initiative de confier une mission à ses amis. La fidélité à cette consigne sera signe de sa présence. « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ».

C’est la première fois que Jésus donne un ordre à ses disciples. Il le présente même comme un commandement « nouveau ». Or, nous lisons déjà dans la Bible, dans un de ses premiers livres, le Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18). En quoi Jésus dit-il quelque chose de plus ? Ce n’est pas tout amour qui rend nouveau celui qui écoute ou celui qui obéit, mais celui que Jésus a qualifié en ajouter pur le distinguer de l’amour charnel : « comme je vous ai aimés ». Car s’aiment les uns les autres les maris et les épouses, les parents et les enfants, les amis, sans parler de tout lien humain qui peut attacher les hommes entre eux.

Jusqu’alors Jésus a révélé l’amour de Dieu pour le monde, pour lui, son Fils : à présent qu’il va lui-même jusqu’au bout de l’amour, il peut donc leur donner ce précepte. C’est parce qu’ils vont découvrir à quel point ils sont aimés que les disciples seront capables de partager entre eux l’amour reçu du Père.

Remarquez encore qu’il ne dit pas : « Aimez les autres ». La Pâque de Jésus, son entrée dans la gloire de la croix a pour but immédiat et nécessaire de créer une communauté de croyants fraternels. L’Eglise n’est pas une organisation philanthropique, un ramassis de gens pieux qui font du bien à l’occasion. Aller à la messe pieusement, communier à l’hostie sans vouloir « communier » à ses frères présents et s’en aller, fût-ce en glissant une piécette à un mendiant inconnu, ce n’est pas ce que Jésus a commandé ! Le problème actuel de l’Eglise n’est pas celui des vocations mais de nos communautés paroissiales qui restent trop anonymes, sans véritable unité entre les disciples de Jésus.

Nous ne pouvons nous accommoder d’à peu près, nous contenter de gestes superficiels. L’amour cependant entre chrétiens doit être christique, radical, total, entier. Nous devons nous aimer comme Jésus nous a aimés : ce qui a deux sens. Il s’agit de l’imiter, de le prendre comme modèle, mais aussi d’aimer parce qu’Il nous aime. Jésus ne reste pas un modèle extérieur que nous aurions à copier laborieusement. Son amour imprègne ses disciples : nous nous aimerons grâce à l’amour que notre Seigneur nous donnera. C’est sa charité qui nous brûlera jusqu’à pouvoir accomplir ! Par lui, avec lui et en Lui, notre charité acceptera la croix.

Dans un monde qui cherche la paix sans jamais la trouver, il faut que l’on voie non un gentil croyant, une famille pieuse, un héros de la cause humanitaire, une organisation fastueuse, un prêtre dévoué, un moine ascète, une sœur mystique qui tentent de s’aimer comme Jésus les aime, parce que Jésus les aime. « Ils ne s’aiment pas comme s’aiment ceux qui corrompent, dit saint Augustin, ni comme s’aiment les hommes parce qu’ils sont des hommes, mais ils s’aiment parce qu’ils sont ‘des dieux et des fils du Très-Haut’ (Ps 81, 6), de telle sorte qu’ils sont les frères du Fils unique, s’aiment les uns les autres de cet amour dont lui-même a aimés ». Nous n’avons pas à inventer l’Eglise et notre vie de foi. Les traits en sont dessinés là : à nous de lire, et d’obéir. Le reste est perte de temps.


AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 19 avril 2013

Homélie du 4ème dimanche de Pâques (C) - 21 avril 2013

La voix, c’est la première chose qu’on entend lorsque naît un bébé : il crie, il pleure, il se fait la voix. Même avant la naissance, les parents parlent à leur enfant qui est encore dans le ventre de sa mère ; par la voix, se noue déjà un contact entre eux, un rapport très fort. Plus tard, quand un enfant s’est éloigné de la maison, avant même de courir à sa recherche, on l’appelle par son nom. On dit aussi que c’est le dernier contact qu’un mourant peut avoir avec quelqu’un dans son agonie : c’est de l’entendre lui adresser la parole, et ce contact est réconfortant ; le mourant sait ainsi qu’il n’est pas seul. Quand nous téléphonons, nous ne pouvons reconnaître l’interlocuteur qu’à sa voix. C’est par la voix que nous entrons en relation avec un autre, surtout avec celui ou celle qu’on aime ; on sait aussi que pour cela la relation virtuelle des tchats et messageries instantanées est toujours insuffisante.

Jésus nous parle aujourd’hui encore. Certes il prend ici une image bucolique, celle d’un berger soucieux de faire paître son troupeau dans de bons pâturages mais aussi de ne perdre aucun de ses moutons. Les images qui nous viennent à l’esprit d’un berger avec son troupeau insistent trop souvent sur le fait que les moutons suivent le berger, presque aveuglément, mais oublient qu’une personne est capable de les rassembler en les appelant de sa propre voix.

Quand, le jour de la Résurrection, Marie de Magdala va au tombeau elle rencontre le jardinier ; il lui est totalement inconnu, jusqu’au moment où ce jardinier parle et l’appelle « Marie » : elle reconnaît aussitôt la voix de Jésus, son intonation, sa façon de prononcer. Et elle lui répond. Reconnaître la voix des êtres proches et aimés est en effet le fondement de toutes les relations humaines, de celles qui font vivre.

La parole prononcée, le message est évidemment inséparable de la voix. Ainsi par sa Parole, Jésus nous met ainsi en contact avec Dieu notre Père et son Père, avec lequel il ne fait qu’un, et nous fait découvrir son intimité. Ecouter la parole de Dieu, ce n’est pas simplement entendre une invitation morale ou un enseignement ou une révélation, c’est une invitation à entrer en contact, en relation même avec Dieu. Et cette relation est une relation d’amour, qui aide à vivre, qui nous rapproche du Père. Par la parole, quelqu’un - et Dieu aussi - donne, livre ce qu’il y a de plus intime en lui-même. Mais, plus encore, la voix de quelqu’un est aussi invitation à entrer dans son intimité ; invitation à commencer avec lui des relations durables : c’est ce qui se passe au début de tout amour.

Si l’Eglise choisit ce dimanche pour nous rappeler le souci des vocations religieuses et sacerdotales, c’est parce que toute vocation se fonde sur cette relation d’intimité avec Dieu en Jésus-Christ, Dieu et Jésus ne faisant qu’un comme celui-ci le dit dans l’évangile de ce jour. Vocation vient du latin vocare, qui signifie : appeler. Celui qui répond à sa vocation, répond d’abord à un appel. Pour entendre cet appel, il faut nous interroger sur la possibilité que nous lui laissons de se faire entendre. Il y a bien des manières de l’étouffer : ne pas parler d’une possibilité de vie religieuse ou sacerdotale, en faire une présentation instantanément dégradante… La parole de Jésus est bien là, elle, source de communion avec lui et dans nos communautés ; les différentes réponses que nous pouvons donner situent nos rôles divers dans une même communauté, celle qui nous rassemble dans cette eucharistie.

Combien de fois ne sommes-nous pas appelés nous aussi à coopérer à cette mission de Jésus, à dire des paroles qui font vivre d’autres personnes : « je suis là près de toi », paroles signes de présence, paroles qui font vivre. Aujourd’hui, Jésus nous appelle : entendons-nous sa voix ? Savons-nous le reconnaître dans le vacarme de nos vies ? Saurons-nous répondre et le suivre dans notre vocation ?

AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 12 avril 2013

Homélie du 3ème dimanche de Pâques (C) - 14 avril 2013

Le texte que nous venons d’entendre se situe à la fin de l’évangile de Jean. Il en est donc un peu la conclusion, l’envoi. Et c’est un peu comme si, sous nos yeux, l’évangéliste devenait un peintre. Tel un artiste, il parvient à disposer des éléments, des couleurs, qui me font rêver, m’emportent dans un autre univers. Car dans un tableau, ce n’est pas un petit détail qui me touche et me fascine, c’est l’ensemble, tout ce qui est dans le cadre. Bien que chaque détail ait son importance, sa place dans l’ensemble. Dans l’évangile aujourd’hui, il y a comme deux tableaux :
Le premier. Peut-être avez-vous déjà vu en Méditerranée ces petits bateaux pêchant la nuit avec des lampes pour attirer les poissons. Sur une barque, sept pêcheurs s’ennuient car ils ne prennent rien. La nuit est longue. Je vois le tableau sombre rendant l’obscurité de la nuit et quelques lueurs sur une barque éclairant faiblement des pêcheurs somnolents.
Le deuxième. Le jour se lève. Un coin du tableau s’éclaire. Les sept pêcheurs sont en pleine activité et essayent de remonter un filet plein à craquer. Sur le rivage qui n’est pas trop loin un feu de braises avec quelques poissons et « quelqu’un ».

Que se passe-t-il d’un tableau à l’autre ? Entre cette longue pêche de nuit sans succès et cette pêche miraculeuse ? Regardons ensemble tout ce qu’il y a d’extraordinaire dans ce deuxième tableau, tout ce que le peintre Jean a voulu nous communiquer.

Il y a là maintenant quelqu’un sur le rivage. Quelqu’un qu’il a fallu du temps à identifier. Quelqu’un qu’on ne reconnaît pas tout de suite mais qui est bien là présent, Jésus-Christ ressuscité. Et parce qu’Il est là, le deuxième tableau n’est plus le même que le premier. Ce n’est plus la nuit avec une barque et des pêcheurs somnolents. C’est l’aube. Le jour se lève. Quelque chose de nouveau commence. Sept pêcheurs sont en pleine activité et remontent un filet plein de 153 poissons. 153, le peintre aurait pu ne rien dire ou dire simplement « un filet plein à craquer ». Mais dans la Bible, beaucoup de chiffres ont des valeurs symboliques. Quand l’évangile rapporte qu’il y a 153 poissons, ce nombre correspond à celui des espèces de poissons connues à l’époque de Jésus. Il y a donc dans le filet le monde entier pour une pêche qui ne s’arrête jamais. IL y a encore sept pêcheurs, alors que seulement cinq sont cités nommément. Et si nous étions nous-mêmes appelés à être ces deux anonymes, à être nous aussi pêcheurs d’hommes ? Et puis ce filet ! On pourrait dire que les poissons sont prisonniers, captifs. Mais parce que Jésus est ressuscité, qu’Il est là, tout près, nous ne sommes pas captifs dans un filet mais captivés par quelqu’un de captivant. Un peu comme lorsqu’on lit un livre passionnant. On est pris, captivé par le livre. On ne sait plus en sortir tellement le récit est passionnant.

Alors, dans la mer, le monde, il y a de tout. Ceux qui sont dans le filet par hasard. Ceux qui se sont laissé captiver. Ceux qui se sont échappés. Ceux aussi qui sont restés accrochés à l’extérieur par une nageoire ou une écaille. Tous, nous sommes appelés, a notre rythme, à nous laisser prendre, captiver et à nous laisser entraîner sur le rivage devant un feu de braise. Un feu sur lequel grillent quelques poissons pour un repas, un partage, une communion avec le Ressuscité. Pour devenir à notre tour brûlants et nourriture. Des hommes et des femmes, de toutes espèces et en tous temps, captivés par la personne de Jésus-Christ, de son Evangile et captivants parce qu’ils l’ont découvert. Des hommes et des femmes rassemblés autour de ce feu avec le Ressuscité et priant son Esprit pour qu’en nous Il souffle sur les braises et toujours les réactive. C’est bien là, au-delà des structures, l’image de l’Eglise, de notre Eglise.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

jeudi 4 avril 2013

Homélie du 2ème dimanche de Pâques (C) - 7 avril 2013

Merci à l’apôtre Jean d’avoir osé rapporter dans son évangile le témoignage d’un apôtre qui a vécu l’incrédulité. Thomas a connu le doute qui travaille le cœur du croyant. A ce titre, comme il nous ressemble avec son besoin de réel et de tangible, sa méfiance pour tout savoir qui n’a pas de prise sur le quotidien !

Thomas est un homme qui se fie à son bon sens, voire à ses cinq sens tout court et qui se méfie du Seigneur. Comme l’homme moderne et l’esprit positif, il a besoin d’évidence sensible. Voilà une attitude imparfaite, sans nul doute, puisque Thomas s’entendra reprocher par Jésus ce manque de confiance dans la foi. Mais, si dans la foi de Thomas, il y a une imperfection, il y a aussi une attitude humainement respectable. On ne croit pas simplement parce que les autres croient. Si nous croyons en Jésus, c’est parce que nous percevons sa présence vivante et agissante dans nos vies et dans le monde. L’apparent scepticisme de Thomas nous apprend comment la foi chemine au cœur de l’homme. Thomas l’incrédule nous enseigne à ne pas être trop vite crédule et à ne pas donner sa foi à n’importe quel discours ou témoignage. Il faut penser aussi que sa revendication n’était pas si déplacée puisque le Seigneur va y répondre. Mais pas tout de suite. En effet, le soir de Pâques, lors de la première apparition du Seigneur à ses disciples, Thomas était absent. Il avait exprimé son scepticisme à ses frères. Une semaine après, un dimanche, Jésus réapparaît et Thomas est présent. Mais tout ne se passe pas comme Thomas l’avait prévu. Que se passe-t-il au juste ? A ce moment-là, Thomas ne mettra pas sa main au côté blessé du Seigneur. C’est le Seigneur qui, lui-même, l’invite à ce geste. Thomas ne songe plus à exiger les conditions qu’il avait lui-même fixées à sa foi. Il est comme arraché et soulevé de tout son être par une certitude fulgurante. Pour lui, il ne s’agit plus de preuves mais d’une lumière venue d’ailleurs.

Que fut cette lumière pour Thomas ? Nous sommes un dimanche. Les apôtres sont réunis pour se souvenir de la résurrection de Jésus et sans doute pour la célébration eucharistique. Jésus vient au cœur de ce rassemblement où il est fait mémoire du sacrifice de la Croix, avec les stigmates de sa Passion. Ce que Thomas comprend, c’est que la résurrection échappe à la perception humaine. Le toucher est devenu inutile. Thomas comprend qu’on a la foi, c’est à dire que l’on fait l’expérience de la Résurrection du Seigneur. La foi, c’est expérimenter la puissance de la résurrection dans la force de l’amour que peut manifester notre vie. La foi, c’est faire que cette force du Seigneur vivant, par nous, guérisse les plaies de nos frères les hommes. Cet épisode nous dit : la foi ne naît pas d’évidence mais d’amour. On croit parce qu’on aime.

Aussi, dans nos doutes, il faut se dire deux choses :
1. Si Dieu est mystère, Dieu seul peut nous éclairer sur nos doutes et se révéler lui-même. Quand on doute, il faut continuer à prier et à faire confiance au Seigneur. Il ne faut pas être trop fier ou orgueilleux pour croire. Ce supplément d’intelligence que donne la foi sera toujours difficilement accessible à ceux qui sont tentés de se complaire dans la suffisance de leurs dons.
2. Après la prière, le recours à nos frères, à leur lumière et à leur intercession, est le second moyen d’apaiser nos inquiétudes. Seul, Thomas doute, appuyé par ses frères il voit clair. Croire sans avoir vu ! Le Christ est mystérieusement présent au milieu des hommes partout où germent des semences de bonheur et de paix. Nous le rendons visible quand nous semons l’amour et l’espérance. Nous le rendons présent par la transparence de notre témoignage de foi, par la valeur de nos services et par la ferveur de nos prières.

Aujourd’hui, témoigner du Christ ressuscité veut dire qu’il existe quelqu’un qui croit en nous, qui souffre avec nous, qui nous appelle à la vie. Aussi, laissons derrière nous ce qui assombrit notre foi et osons reprendre à notre crédit le cri de ravissement de l’apôtre Thomas et dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

AMEN.

Michel STEINMETZ †