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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 28 février 2009

Homélie du 1er dimanche du Carême (B) - 1er mars 2009

L’alliance est au cœur du cycle des lectures du Carême de l’année B, l’alliance cosmique passée avec Noé, l’alliance personnelle avec Abraham, l’alliance avec le peuple au Sinaï, les ruptures d’alliance et les renouvellements d’alliance. Dieu se fait pédagogue, il part du plus général, l’univers, la nature – c’est le cas avec Noé au déluge – pour rejoindre ce qu’il y a de plus intime à l’homme, le cœur. C’est là que Dieu travaille, c’est là que l’homme s’ouvre ou se ferme à la présence aimante de Dieu, son Créateur et Sauveur.
La liturgie, à sa manière, selon sa modalité propre, se met au service de l’œuvre de Dieu. Elle se présente comme le lieu où Dieu s’adresse à nouveau à son peuple pour lui redire qu’il est aimé, choisi et sauvé par grâce. Il convient, chers amis, et plus particulièrement en ce Carême qui débute, de ne pas écouter la Parole de Dieu avec crainte que ce fut le cas pour Adam troublé par son péché, mais bien comme un homme, une femme aimé, comme un pécheur pardonné, comme un fils prodigue.
Le Père attend de chacun de ses enfants qu’il se souvienne qu’il est aimé, et le Carême nous permettra cet exercice de mémoire en parcourant l’histoire sainte et en cheminant avec Jésus jusqu’à la Croix et au tombeau ouvert. Le Père regarde ses enfants et pardonne leurs fautes : le Carême permet de redécouvrir combien Dieu est miséricordieux. Il ne désire rien d’autre que d’entrer en alliance avec les hommes.

Cependant, les forces du mal se déchaînent et le péché nous place dans l’impossibilité de répondre à l’alliance de Dieu. Au déluge, le malin aurait de quoi se frotter les mains ! Le tohu-bohu d’un monde à vau-l’eau semble annoncer son triomphe. L’humanité va à sa perte.
L’histoire du déluge reflète probablement un récit de catastrophe que tout le monde au Proche-Orient avait en mémoire. Car la Bible n’est pas la première à raconter cette histoire. En Mésopotamie circulait depuis longtemps la légende de Gilgamesh, qui raconte également un déluge. Les deux récits se ressemblent en de nombreux points ; on peut en déduire que l’auteur biblique connaissant le récit babylonien. Dans les deux, un héros averti par la divinité construit un navire et y fait monter toute sa famille et des spécimens de tous les animaux ; les écluses du ciel s’ouvrent et le déluge engloutit la terre ; lorsque la pluie cesse, le bateau s’arrête et le capitaine lâche des oiseaux qui partent en reconnaissance pour voir où en est l’assèchement de la terre. Quand celle-ci est redevenue, le héros quitte l’arche avec sa famille et offre un sacrifice.Les ressemblances entre les deux textes sont évidentes, mais le récit biblique contredit son ancêtre babylonien sur quelques points majeurs. A Babylone, on attribue la responsabilité du cataclysme aux divinités décidées à exterminer l’humanité ; le rescapé ne doit son salut qu’à sa chance. La Bible, au contraire, annonce que Dieu trouvera toujours le moyen de nous sauver ; le déluge est présenté comme une sorte d’épuration rendue indispensable par la mauvaise conduite des hommes. Mais Noé, le juste, et sa famille ne sont pas engloutis avec les coupables. Et c’est d’eux, les justes, qui naîtra la nouvelle humanité. Une fois de plus, nous le constatons, le discours biblique est résolument optimiste.

Dieu donne alors un signe de son alliance. Un arc-en-ciel apparaît, faisant se rejoindre le ciel et la terre. « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous, pour toutes les générations à venir : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre… » Un arc… ce mot évoque à la fois une arme aux mains de l’archer, un instrument de guerre. Voici qu’il devient le signe de l’amour indéfectible de Dieu, le clin d’œil complice du Créateur. Un autre signe sera donné de l’alliance, signe dressé à la face des nations et que la Carême nous invite à contempler tout particulièrement : c’est le signe de Jésus sur la croix, « lui dont les bras étendus dessinent entre ciel et terre le signe indélébile de l’Alliance » du Père, ce seront les mots de la prière eucharistique tout à l’heure. Mais, contrairement à l’arc-en-ciel, le signe de la croix, lui, ne disparaîtra pas : il est donné pour toujours. « Le Christ est mort pour les péchés, une fois pour toutes », dit l’apôtre Pierre. Au tohu-bohu du monde à vau-l’eau, s’impose la grâce : « Le Règne de Dieu est tout proche ». Désormais, en Jésus, il est à portée de main, là, au milieu de nous. Le diviseur a échoué. « L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme », a écrit Victor Hugo dans les Châtiments. La victoire de Jésus change la donne, assurément. Mais elle ne nous dispense pas d’entrer en lice à notre tour. Chaque année, le Carême nous le rappelle en nous invitant à la conversion. Le signe meurtrier de l’eau au déluge devient un signe de vie par le baptême. Plongés dans la mort de Jésus, nous émergeons à sa vie sans fin. Pierre établit lui-même cette comparaison, cette analogie entre le déluge et le baptême : « Ceux qui étaient prisonniers de la mort s’étaient jadis révoltés au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvés à travers l’eau. C’était une image du baptême qui vous sauve maintenant ». Ainsi, nous devons nous engager envers Dieu pour participer à la résurrection du Christ.

Voilà les signes qui nous sont donnés de l’alliance de Dieu avec un chacun d’entre nous : signe éternel de la croix de Jésus et signe de l’eau du baptême dont nous avons été aspergés au début de notre célébration. Que ces signes nous aident à entamer résolument notre marche à la suite du Christ pour, avec lui, passer de la mort à la vie !

AMEN.

Michel Steinmetz †

vendredi 13 février 2009

Homélie du 6ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 15 février 2009

De nos jours, nous ne dénombrons plus dans nos contrées aucun lépreux. Mais sommes-nous pour autant débarrassés de la lèpre spirituelle du péché qui gangrène notre vie ? N’avons-nous plus besoin de nous tourner en toute confiance vers le Seigneur pour qu’Il nous renvoie prendre place parmi la communauté des sauvés ?
Dans l’évangile que nous entendions, le lépreux vient vers Jésus avec une attitude de foi ; Jésus, ensuite, le guérit mais pas de n’importe quelle manière ; Il a, enfin, le souci de sa guérison sociale.

I.- « Si tu le veux, tu peux me purifier ! ».

C’est là, à n’en pas douter, une des plus belles phrases de l’évangile. Bravant l’interdit de la Loi de rester en-dehors de la société, et de ne s’approcher de quiconque, le lépreux se précipite vers Jésus, et se prosterne à ses pieds. Remarquez qu’il ne dit pas: « Purifie-moi ! », tel un ordre qu’il adresserait à Jésus. Il ne lui demande pas non plus de le guérir ; car il sait que son mal est double : physique et social. « Si tu le veux, tu peux me purifier ! », c’est-à-dire, si tu juges, Jésus, que je suis digne de recevoir de toi cette grâce, si telle est ta volonté, alors je sais, moi, que tu tiens de Dieu la puissance qui saura me purifier.
La guérison de la lèpre est considérée, dans le judaïsme de l’époque, comme un acte comparable à la résurrection des morts et attribuée à Dieu seul. Signe de l’approche du Règne de Dieu, elle accompagne la résurrection des morts et est comptée parmi les bienfaits de temps du Messie. On comprend mieux, alors, ce qui est en jeu par ce miracle.

II.- Jésus le purifie par le geste et la parole.

L’évangile nous dit que Jésus « est pris de pitié », une autre traduction possible est qu’il est « irrité », irrité soit parce qu’en s’approchant de lui, le lépreux enfreint la loi, soit plutôt parce qu’il contrarie la volonté qu’a Jésus de prêcher en évitant les attroupements et de ne pas être encore manifesté comme Messie et Fils de Dieu.
Quoiqu’il en soit, Jésus manifeste à son égard une profonde tendresse, une grande sollicitude. Et lui qui n’en est plus à son premier miracle, Il ne se contente pas d’une parole – qui pourrait suffire, Il enfreint lui-même la loi en touchant le malade. « Je le veux, sois purifié ! ».
A la publicité de ce miracle, Jésus ordonne la stricte consigne du silence. L’heure n’est pas encore venue pour lui d’être manifesté comme le Fils de Dieu. Pourtant, on sait que le lépreux ne pourra tenir sa langue et Marc, pour décrire son attitude, va même jusqu’à employer un mot grec proche de celui qui habituellement désigne l’annonce de l’Evangile, comme si le rayonnement de la puissance du Fils de Dieu ne pouvait être ni empêché ni contenu.

III.- Jésus a le souci de la réintégration sociale du lépreux.

On pourrait penser que le « travail » de Jésus s’arrête là. Après tout, n’a-t-il pas exaucé le souhait du lépreux ? Sa purification ne serait pas complète s’il n’allait se montrer au prêtre et si par cet acte il n’était officiellement autorisé à retrouver une vie sociale. Jésus montre son souci de la personne, en tant que telle. Le lépreux ne pourrait être heureux ni véritablement guéri si son mal social ne l’était au préalable.
On saisit plus justement le sens de cet évangile grâce l’heureux éclairage que nous en donne la première lecture qui nous le resituait dans le contexte de la loi juive. L’isolement du lépreux a une vertu sanitaire : il faut – et on le comprend – éviter toute contagion. C’est le prêtre qui est chargé de constater tant la maladie que sa guérison éventuelle. Ce « témoignage » a une valeur juridique, tel un acte d’huissier. Or Jésus n’est pas prêtre ; il renvoie à celui qui, car de service au Temple, a la faculté de procéder à ce constat.
Nous pourrions dire, un peu trivialement sans doute, que Jésus se soucie de « l’après-vente ». Grande leçon qui alors nous est donné, et plus particulièrement à ceux qui exercent au nom de la communauté un service caritatif ! De quel ordre est notre agir ? Nous satisfaisons-nous de soulager une pauvreté matérielle ? Sommes-nous attentifs aussi à la détresse spirituelle qui, souvent, y est liée ? Nous soucions-nous assez de l’accompagnement ?

De cet évangile, j’aimerais donc, chers amis, vous faire retenir trois éléments concrets :
1. Dans notre vie de prière, prenons garde à ne rien exiger du Seigneur, mais à reconnaître, comme le lépreux, dans notre demande la puissance de sa grâce.
2. Face à la misère et à la pauvreté, tant matérielles, que psychologiques ou spirituelles, que nous pouvons côtoyer, ne nous contentons pas d’un regard gêné et fuyant, d’une parole lointaine. Jésus a touché le lépreux, n’hésitons pas mettre les mains dans le cambouis !
3. Quand Jésus purifie le lépreux, il pose aussi un acte social. Souvenons-nous que l’évangile du Christ n’est pas que pour nous, pour notre confort, ou notre intérêt : il est pour le service de tous et par tous !

AMEN.

Michel Steinmetz †

samedi 7 février 2009

Homélie du 5ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 8 février 2009

Dimanche dernier, Marc nous donnait déjà un premier aperçu de ce que l’on pourrait appeler une journée-type Jésus. La journée avait commencé à la synagogue où Jésus a prêché avec autorité et a guéri un possédé. Dans l’évangile de ce jour, le voici quittant la synagogue accompagné de Jacques et de Jean pour aller chez Simon et son frère André. Ces quatre apôtres sont toujours nommés en premier lieu dans les listes d’apôtres, ils sont les témoins privilégiés de la vie du Christ.
Le passage de l’évangile que nous entendions à l’instant est en effet une sorte de résumé des activités de Jésus, en même temps qu'il nous en signale les points forts : prier, témoigner, guérir.

I.- Le temps de la prière

Jésus s'est reposé. Il connaît les limites de ses forces. Parfois même les apôtres doivent le tirer violemment de son sommeil alors que la tempête s'est levée sur le lac et qu'ils ont peur de sombrer. Il commence à prier alors qu'il fait encore nuit. Le texte grec nous dit : « au matin, tout à fait de nuit. » Il prie avant l'aube jusqu'à l'heure où se lève la lumière. C'est déjà toute une leçon. La première heure est à Dieu son Père.
Il a quitté la maison de la belle-mère de Pierre et s'est rendu, solitaire, dans un lieu calme et silencieux. Sa prière a besoin de cette dimension. Dans le même temps, il ne veut pas déranger ceux qui dorment encore. Il ne veut pas non plus que cet instant privilégié de tête-à-tête avec son Père puisse être interrompu par la présence indiscrète d'un apôtre matinal ou par les faits et gestes de la ménagère aux premières heures. En fait il n'est jamais totalement solitaire, replié sur lui-même comme le sont les adeptes des sagesses orientales. Il ne quitte le cadre de sa vie active que pour entrer en relation avec son Père. Nous en savons le contenu puisqu'il l'a révélé à ses apôtres au soir du Jeudi-Saint C'est une prière d'adoration et de jubilation : « Je te rends grâce, Père ! »
La prière de Jésus est parfois bien loin de notre propre prière : nous estimons que nous avons tellement de choses à demander, et surtout à obtenir, que nous en devenons très bavards. Il nous est alors difficile de nous laisser imprégner de cette présence divine mais nous pourrions entrer pleinement dans l'intimité de Dieu, si nous savions sortir de nous-mêmes, de nos préoccupations, de nos habitudes où s'enlise notre personnalité d'enfants de Dieu. « Il sortit et il alla dans un endroit désert. »

II.- Le cri du cœur

La prière de Jésus ne le détache pas du monde des hommes. Bien au contraire, elle l'y enracine. Son humanité entière leur est consacrée. C'est pour ses frères qu'il est venu leur apporter le salut et la découverte de la gloire de Dieu.
« Il proclame la Bonne Nouvelle ». Cette formule revient deux fois pour indiquer ce qui est trame de ses journées. Il proclame, et le verbe grec « kerussein » est significatif. C'est « crier » d'où vient d'ailleurs l'étymologie de ce terme français. Certains commentateurs disent qu'il devait parler fort pour être entendu par la foule. Saint Marc a choisi un terme qui n'a pas le sens d'intensité phonique, mais qui utilisé quand on veut dire : « le cri du cœur. »
Sa prédication n'est ni fade ni doucereuse. Elle est le cri de la Vérité, même quand il parle paisiblement ou amicalement. Il impressionne par la qualité de ses affirmations et non par sa véhémence.
Parler de son Père est une nécessité qui s'impose à lui, comme elle s'impose à ses disciples. « C'est pour cela que je suis sorti. », entendez : que je suis sorti vers la foule, que je suis sorti aussi du sein du Père puisque la volonté de Dieu est de se révéler aux hommes. A la suite de Jésus, Paul dira de même aux chrétiens de Corinthe : « C'est une nécessité qui s'impose à moi ! ».

III.- Guérir et libérer

Jésus, tout au long de sa vie, a combattu les maux dont souffre l'homme. Ils s'appellent ignorance, fièvres, esprits mauvais. L'annonce du salut s'accompagne non par des faits magiques ou étonnants, mais par des « signes » que le Règne de Dieu est à proximité de ceux qui l'entendent ou le rencontrent. Dieu, par le Christ Jésus, est victorieux de tout ce qui fait mal à l'homme et à tout homme.
La première lecture de ce dimanche, tirée du livre de Job, nous envahit par son pessimisme : « La nuit n'en finit pas. » Ce passage est trop bref pour exprimer tout le cheminement spirituel de ce pauvre homme Job, car ce livre n'est pas un livre de désespérance. En dépit de cette situation de détresse, Job maintient sa fidélité à un Dieu dont les desseins et les actes qui les traduisent, le dépassent.
Dans cette nuit où se trouvent souvent les hommes, le Christ, lumière, vient apporter sa clarté décisive et faire naître une espérance véritable.
Cette guérison, cette libération du mal, se fait sans paroles inutiles. Il ne se perd pas en de longues justifications ou en commentaires prolixes. Quand Jésus guérit la belle-mère de Pierre de sa fièvre, non une banale petite grippe mais sans doute une fièvre dangereuse des pays chauds, Marc dit : « Jésus s’approcha d’elle, la prit par main et la fit lever ». Il est significatif que Marc utilise le mot « lever » qui, dans le Nouveau Testament, désigne la résurrection. Le geste du Christ laisse donc deviner autre chose qu’une simple guérison. Le geste du Christ est le signe de la grande guérison que le Messie veut réaliser pour l’humanité quand il se « lèvera » lui-même de la mort.
Cette fièvre, dit saint Ambroise, c’est notre avarice, notre envie, notre orgueil… dont Jésus veut nous guérir et dont nous serons délivrés à jamais lorsque nous entrerons dans la vie du monde à venir.

A notre tour, efforçons-nous de faire en sorte que nos journées ressemblent davantage encore à celles du Christ en y ménageant le temps de la prière, celui de l’annonce de la foi, véritable « cri du cœur », et celui où nous nous rendrons disponibles pour nous laisser guérir et relever de notre péché.

AMEN.

Michel Steinmetz †