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mercredi 30 avril 2008

Homélie du 7ème dimanche de Pâques (A) - 4 mai 2008

Cette petite communauté qui attend la venue de l’Esprit de Dieu nous paraît bien loin de celles dans lesquelles nous vivons. Les conditions ne sont pas les mêmes. Ils sont encore proches de Jésus, apôtres ou disciples qui sont là autour de Marie. La description que donne saint Luc de la réalité vécue par la communauté de Jérusalem n’est peut-être pas celle qui est vécue dans nos communautés paroissiales ou ecclésiales. Ils sont « assidus à la prière »… Nos rassemblements du dimanche connaissent des arrivées tardives, des participations irrégulières, des fidèles parfois éloignés les uns des autres ou regroupés dans les derniers bancs. Le contexte urbain qui est le nôtre montre combien il est de plus en plus difficile de vaincre l’anonymat de la ville et de proposer, malgré tout, un esprit communautaire qui ne sera sans doute en définitive que véritablement vécu par un petit groupe « dévoué ».
En lisant l'évangile de ce dimanche entre Ascension et Pentecôte, nous sommes témoins d’une autre prière encore, celle de Jésus au moment où il va « passer de ce monde à son Père », alors qu’il s’apprête à vivre sa Passion. Parce qu’ils ont vu prier Jésus, parce qu’ils ont prié avec Lui, les apôtres ont appris à prier en vérité. Parce que nous-mêmes, nous nous inscrivons dans la Tradition qui nous vient des apôtres, parce que l’Ecriture ne cesse de nous initier à la prière de Jésus, nous pouvons prier avec eux. Nous partageons le constat des apôtres de ne pas arriver par nous-mêmes à relever le défi de la mission vers laquelle nous envoie le Christ. Alors comme eux, avec eux, plus que jamais, il nous faut prier. Mais en quoi consiste donc cette prière ?

I.- La prière est communion

« Tout ce qui est à toi est à moi, comme tout ce qui est à moi est à toi.» Jésus est en communion totale avec le Père. L'ensemble de cette prière extraordinaire, dont nous n’avons lu aujourd'hui que le début, laisse apparaître ce partage d'être, d'amour et de vie, de volonté et de projet entre le Fils et le Père. Non seulement ils sont présents l'un à l'autre, mais une union éternelle les lie totalement : « Tu es en moi et moi en toi. » Cette union, qui surpasse tout ce que nous pouvons imaginer et vivre à notre niveau, nous dit tout de l'intensité de la prière de Jésus. Elle s'identifie complètement à ce que veut et fait le Père.
Nous sommes éblouis, et notre prière, en regard de celle de Jésus, nous semble bien faible et limitée. Souvent, elle n'est faite que de mots enchaînés rapidement et distraitement, sans communication réelle avec le Seigneur.
La vraie prière est communion avec Dieu, parfois dans le silence. Elle est aussi communion fraternelle avec tous les priants et avec celles et ceux qu'elle veut porter. Elle tisse des liens mystérieux entre les êtres, au-delà même de la mort. Elle déborde le temps et l'espace…

II.- La prière est action de grâces

« Je t'ai glorifié sur la terre en accomplissant l'œuvre que tu m'avais confiée. » La gloire dont il est question ici n'a rien à voir avec le faste et les honneurs réservés aux chefs d’Etat, aux grands sportifs ou encore aux artistes importants. Étymologiquement, elle est synonyme de « poids » dans la Bible, donc de consistance, d'être, de présence à soi-même et aux autres. Jésus a rendu Dieu présent et agissant sur la terre. Par son Fils, le Père a vraiment donné toute la mesure de son amour. « J'ai fait connaître ton nom aux hommes. » Dans la tradition biblique, le nom n'est pas autre chose que Dieu lui-même. Jésus a révélé le Père par le témoignage de sa Parole et de son action auprès des humains pécheurs, malades et pauvres ; on pourrait d’ailleurs remplacé dans l’évangile de Jean le verbe « glorifier » par « manifester ». En accueillant ce message efficace et son porteur, les disciples en ont reconnu l'origine : « Ils ont cru que c'était toi qui m'avais envoyé. »
Notre prière est si souvent plainte et cri… Elle en vient à oublier que sa plus belle expression est l'action de grâces, la louange, le merci dans une conscience renouvelée et émerveillée du don de Dieu.

III.- La prière est confiance


Jésus veut protéger ses disciples du « Mauvais ». Il sait combien leur tâche est risquée dans le monde : « Garde-les ceux que tu m’as donnés ! ». Leur fidélité sera sans cesse mise à l'épreuve. Il se soucie particulièrement de leur unité. « Qu'ils soient un ! » La plus grande partie de cette prière après la Cène est intercession pour les disciples de tous les temps. Chacun de nous peut se dire : le Christ a prié pour moi ce soir-là !
La prière pour les autres est une des plus belles expressions d'amour fraternel. Elle est confiance fondamentale en Dieu, parce que nous croyons qu’il peut nous exaucer ; elle est confiance fondamentale en nous-même et en l’autre, parce que nous croyons que Dieu peut agir et nous transformer dans son amour. Certainement, le Christ « se reconnaît » dans cette compassion de celui qui prie pour « ceux qui lui ont été donnés » et qu’il porte devant Dieu.

C’est bien pourquoi nous avons à retourner sans cesse au cénacle pour y attendre l’Esprit Saint, qui seul peut nous donner la force d’aimer. Lorsque le disciple vidé de lui-même est enfin devenu un instrument de l’Esprit, il « connaît » l’Envoyé du Père, qui trouve sa gloire en lui. A son tour le Père le glorifiera en lui donnant part à sa propre vie. Nous ne devenons pas « chrétiens » par la seule profession de foi qui sort de nos lèvres, mais par notre identification au Christ : il s’agit de mourir en lui au vieil homme, afin d’avoir part à sa résurrection dans l’Esprit. C’est en suivant ses traces « dans le monde » que nous nous acheminons vers lui et qu’« il trouve sa gloire en nous ». Cela se joue dans la prière, celle liturgique et communautaire, celle aussi personnelle et quotidienne. Puissions-nous, chers amis, devenir ou redevenir d’authentiques priants ! Puissent d’autres apprendre la prière véritable en nous voyant prier !

AMEN.

Michel Steinmetz +

Homélie de la solennité de l'Ascension du Seingeur - jeudi 1er mai 2008

Quarante jours après Pâques, il nous est donné de fêter l’Ascension de Jésus. Après avoir été ressuscité des morts, et s’être rendu visible aux siens, Jésus est élevé dans les cieux : il y rejoint le Père dans sa gloire, d’où il reviendra « pour juger les vivants et les morts ». Loin d’être un simple évènement prenant place entre Pâques et Pentecôte, l’Ascension se situe dans la logique du mystère pascal (I) ; elle en poursuit l’action et en manifeste la plénitude et les conséquences pour la nature humaine (II). Plus qu’un acquis et constat, l’Ascension définit les termes de la mission du baptisé pour tous les temps et l’attitude qu’il convient d’adopter.

I.- Une même dynamique pascale.

L’Ascension de Jésus est intimement liée à sa résurrection comme le soulignent plus encore que l’évangile de Matthieu ceux de Luc et de Marc. Sans s’astreindre à une rigoureuse chronologie des faits, il importe aux évangélistes de rattacher le retour de Jésus vers son Père à l’évènement pascal en présentant la résurrection et l’ascension comme un mouvement unique qui emporte le Seigneur dans la gloire. C’est ce que rappelle Paul dans sa lettre aux Ephésiens : « C’est la force même, le pouvoir, la vigueur, que le Père a mis en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité des morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux ». Les quarante jours qui séparent la résurrection de l’ascension n’en font pas deux évènements sans rapport l’un avec l’autre. Ces quarante jours correspondent au temps choisi par Dieu pour fortifier les apôtres et les disciples dans leur foi : Jésus ressuscité maintient sa présence physique à leurs côtés en leur apparaissant, en poursuivant son enseignement, en partageant même leur table. Son ascension n’est pas un accident venant mettre un terme à ce compagnonnage nouveau et inédit mais elle est la suite parfaitement logique de la résurrection dont l’œuvre se déploie dans le temps. Le Ressuscité devait monter aux cieux et pour siéger à la droite du Père et pour envoyer les apôtres en mission à sa suite dans la force de l’Esprit dès lors à eux communiquée.

II.- La nature humaine élevée dans la gloire de Dieu.

Plus encore donc qu’un évènement, l’Ascension célèbre un mystère, celui de l’accomplissement de la Pâque dans le corps total du Christ, chef et membres. En effet, comme le disait l’oraison au début de cette messe, « l’Ascension du Christ est déjà notre victoire ». Elle ne concerne pas que Jésus vivant : elle nous rejoint déjà, nous qui restons sur terre. L’oraison poursuivait ainsi : « nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire ». Alors quand les apôtres restent à regarder vers le ciel, ils sont certes médusés et impressionnés par la scène à laquelle ils viennent d’assister ; ils sont sans doute consternés par le départ de Celui qui, malgré sa mort et sa résurrection, continuait de leur être quotidiennement présent ; ils contemplent aussi le ciel où désormais ils savent avoir une place près de Dieu. Par son ascension, « le Christ a fait entrer notre nature avec sa faiblesse dans la gloire de Dieu » (canon romain), il est « monté au ciel pour nous rendre participants de sa divinité » (2ème préface de la fête). Paul commente la victoire de Christ dont la plénitude est couronnée à l’ascension : « Le Père a établi [le Christ] au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent, quel que soit leur nom, aussi bien dans le monde présent que dans le monde à venir. Il lui a tout soumis et, le plaçant plus haut que tout, il a fait de lui la tête de l’Eglise qui est son corps… ». En Jésus ressuscité, l’humanité parvient à un niveau que jamais encore elle n’avait pu atteindre. Jésus, vrai homme et vrai Dieu, nous fait entrer avec lui dès à présent dans la gloire de Dieu. Notre humanité, si souvent marquée par la faiblesse, découvre un horizon insoupçonné : le ciel s’ouvre à elle.

III.- L’Ascension n’a rien d’une évasion.

Mystère de gloire, l’Ascension n’est pas pour le Christ une évasion de notre condition humaine (1ère préface) : Jésus a promis aux siens de demeurer avec eux jusqu’à la fin des temps. De même la contemplation du ciel n’est pas pour les chrétiens une évasion : si les anges rappellent aux apôtres que le Seigneur reviendra, c’est pour les renvoyer à leurs tâches, à la mission qu’ils ont reçue de témoigner de tout ce qu’ils ont vu. Regarder vers le ciel ou ne pas le regarder ? Là est la question ! La fête de l’Ascension provoque l’homme qui cherche à vivre authentiquement son engagement baptismal, non seulement à répondre à cette question, mais sûrement à accepter que la réponse n’abandonne aucun des deux termes de la question. C’est dans la tension de deux que se tient la réponse. C’est en regardant vers le ciel que l’on y discerne les choses de la terre et les attentes d’ici bas ; c’est en travaillant dans le monde que l’on y découvre les beautés d’en-haut. Entendez : les anges ne somment pas les disciples d’oublier le ciel et ce qu’ils ont vu en les invitant à aller de l’avant, ils les exhortent à ne pas oublier la mission qu’ils ont reçue de Jésus : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples… » et à ne pas mépriser le monde. La terre devient le champ de la mission désormais à cultiver sans relâche. Mais ils ne pourront mener à bien cette mission qu’en demeurant relier au ciel, c'est-à-dire à Dieu, dans la contemplation et la prière et en gardant les pieds sur terre.

C’est là un bel enseignement pour nous, à tous niveaux. Pour demeurer fidèle à notre vocation de baptisé, pour tenir la place qui est la nôtre en ce monde, nous avons à nous souvenir qu’il nous faut demeurer avec les yeux fixés au ciel, car c’est là que le Christ nous précède dans la gloire du Père, et les pieds sur terre, car c’est vers lui que la mission nous envoie. Loin d’être abandonnés, livrés à nous-mêmes pour savoir quoi faire, que dire, nous pouvons compter sur la présence bien réelle de Jésus à nos côtés.
« Vous savez qu’il est assis à la droite du Père ; mais cherchez-le, trouvez-le aussi près de vous, jusqu’à la fin, comme Il l’a promis ». (bénédiction solennelle).

AMEN.

Michel Steinmetz +

vendredi 25 avril 2008

Homélie du 6ème dimanche de Pâques (A) - 27 avril 2008

Le temps pascal nous fait revenir à la grâce du baptême ; les cinquante jours, de Pâques à Pentecôte, sont considérés comme un jour de fête unique. D’ailleurs la liturgie a le souci de nous maintenir dans cette tonalité festive : le cierge pascal est allumé à chaque messe dans le chœur de l’église, le dimanche nous nous préparons à la célébration de l’eucharistie en étant marqués de l’eau bénite qui nous rappelle celle de notre baptême. Quand nous disons la foi de l’Eglise nous le faisons en nous souvenant que dans la nuit de Pâques cette profession de foi a renouvelé en nous les engagements de notre baptême. Le texte de la préface de la messe, enfin, mentionne qu’il « est juste et bon de louer le Seigneur mais plus encore en ces jours-ci où le Christ, notre Pâque, a été immolé ». Le temps pascal est bien, chers amis, un temps liturgique d’une particulière densité.
L’apôtre Pierre manifeste le souci, dans sa lettre aux chrétiens de Rome, de leur donner une feuille de route, de leur prodiguer quelques conseils pratiques pour vivre en authentiques disciples du Christ ressucité. Cette préoccupation devrait rejoindre la nôtre : en quoi le fait d’être baptisé me rend-il différent ? Quels sont les choix de vie qui s’imposent à moi ? Ai-je le souci de porter l’annonce implicite et explicite de la Bonne Nouvelle ? Je vous invite à nous arrêter quelques instants sur la feuille de route laissée par Pierre à ses contemporains.

I.- Connaître le Seigneur dans nos cœurs.

L’expérience fondamentale et première de la foi repose sur la certitude que Jésus est vivant et qu’il est à nos côtés. Il faut faire cette expérience-là, avant toutes autres. Saint Pierre nous disait, il y a quelques instants : « c’est le Seigneur, le Christ, que vous devez connaître dans vos cœurs comme le seul saint », c’est-à-dire que c’est lui qui doit occuper dans notre cœur une place à laquelle personne d’autre ne peut prétendre. Pas une place qui évincerait les autres, pas une petite place dans un coin encore disponible, non ! La première place, celle qui n’est en concurrence avec aucune autre, celle qui, au contraire, permet à tous les autres de tenir dans notre cœur. Car Il agit en nous comme ce dynamisme qui nous pousse à aimer en vérité, comme cette force qui repousse toujours plus loin les limites de notre cœur.
Connaître le Christ comme le seul Saint, c’est se mettre à son école, c’est adopter, peu à peu, les mêmes attitudes et sentiments que Jésus lui-même, c’est ne faire plus qu’un avec Lui au point de vivre en Lui comme il vit dans le Père ! Se mettre à l’unisson du Fils ouvre à la compréhension d’une part des relations qu’il entretient dans l’amour du Père, et d’autre part nous entraîne à adopter nous-mêmes ces dispositions de l’esprit et du cœur dans nos relations les uns avec les autres. Jésus est donc bien au centre, à la fois comme enseignement, révélation et invitation à faire comme Lui en toutes choses et en tous lieux.

II.- Rendre compte de l’espérance.

Vous le savez bien : beaucoup, aujourd’hui, pensent et disent, statistiques et sondages à l’appui, que tout va mal dans notre monde : les récentes « émeutes de la faim », comme on les appelle, nous interpellent par exemple quant à la souffrance d’hommes et de femmes de plus en plus nombreux et quant à l’avenir de l’humanité. C’est vrai : nous avons de quoi nous poser bien des questions. Pourtant, chrétiens, il est de notre devoir d’avoir un autre regard sur le monde : nous avons à regarder avec les yeux du cœur et de la foi. Parce que nous en faisons l’expérience dans nos vies, nous savons que Jésus est avec nous. « Si le monde est incapable de recevoir l’Esprit du Seigneur, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas – dit Jésus –, vous, vous le connaissez parce qu’il est en vous ».
Adultes dans la foi, il faut aussi se tenir prêt « à rendre compte de l’espérance qui est en nous ». Ne vous faites pas d’illusions : chrétiens, nous posons question. Vous posez question parce que la majorité de vos amis et de vos connaissances ne tiennent pas ou plus à la foi. Les chrétiens ont toujours été pris dans cette dialectique : ils sont du monde, mais leur patrie est auprès de Dieu. Il vous faudra de plus en plus avoir le courage d’expliquer votre choix « avec douceur et respect » : pas comme les fanatiques qui posent des bombes au nom de Dieu, mais en transpirant de l’amour de Dieu et étant fier de croire en Lui, sans être pour autant méprisant.

III.- Avoir une conscience droite.

A l’heure des magouilles, des petits arrangements, des trafics en tous genres, une fois de plus, les chrétiens font bande à part ! C’est vrai qu’il est tellement plus facile de faire comme tout le monde, de suivre les modes, de ne pas passer pour un « ringard » ! Les chrétiens sont appelés à développer une conscience droite, c'est-à-dire une conscience dont la vérité est le fondement. Dans le langage biblique, la vérité ne s’oppose pas à l’erreur mais à la vanité. Le contraire du vrai, ce n’est pas le faux mais c’est ce qui est vain, futile, trompeur, illusoire, mensonger. Le vrai est une catégorie plus morale qu’intellectuelle. Si le monde ne peut recevoir l’Esprit de vérité, c’est parce qu’il est rempli d’un esprit de suffisance, d’auto-suffisance. Il n’est que « poursuite du vent », comme dit l’Ecclésiaste (1, 14).
La vie droite – mais heureuse ! – que Jésus nous invite à vivre avec Lui posera, elle aussi, question. Et je suis prêt à parier qu’elle fera même changer de route ceux qui nous connaîtront ainsi. « Il vaut mieux souffrir pour avoir fait le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt que pour avoir fait le mal », dit encore saint Pierre.

Connaître le Christ dans nos cœurs, rendre compte de notre espérance, avoir une conscience droite, voilà la feuille de route des disciples du Ressuscité, voilà de quoi nous rendre heureux. Ceux qui se laissent mouvoir par l’Esprit de vérité sont dociles comme le vent de l’Esprit de Pentecôte, et solides comme le roc de la vérité ! Ils n’ont pas de solutions toutes faites et imparables pour toutes choses, mais ils savent que le Christ leur est présent jusqu’à la fin des temps. C’est là l’espérance dont ils rendent compte avec joie.

AMEN.

Michel Steinmetz +

samedi 12 avril 2008

Homélie du 4ème dimanche de Pâques (A) - 13 avril 2008

Combien sont nombreux ceux qui butent contre les parois de l’existence, incapables de trouver une issue à leurs problèmes, leurs angoisses. Il y a tant de vies qui vont droit dans le mur, inéluctablement, fatalement. Il faudrait un horizon, une issue, une ouverture…
Une bergerie, une porte, un pâturage, voilà les réponses que Jésus apporte. Telle une parabole, ce passage de l’évangile de Jean est d’une tonalité toute pascale. Car le berger est Celui qui fait passer du dedans au dehors, il est Celui qui conduit et que l’on peut suivre avec pleine assurance. Une bergerie, une porte, un pâturage : trois lieux symboliques qui nous font mieux comprendre qui est le Christ, quelle est l’action du Ressuscité.

I.- « Moi je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ».

Le Christ est le passage obligé pour aller du dehors au dedans et du dedans au dehors. Passage obligé, il est aussi passage autorisé. Il a en effet toute légitimité à prétendre être « la porte ». C’est lui l’Envoyé du Père, le Messie de Dieu. C’est lui qui a été choisi par le Père pour être ce passage. Et non seulement Il est « passage », mais Il a vécu le plus grand passage qui soit celui de la Pâque, passage de la mort à la vie en son propre corps en sa Résurrection.
« Celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit ». Qui prétend guider le troupeau sans passer par le portier est simplement un voleur qui enrôle les brebis à son profit et fait leur ruine. Mais il est aussi la contre-figure de Jésus. Lui qui, au début de sa mission, passe par le Père, ne voulant que ce que veut le Père, n’ayant souci que de la gloire du Père, s’en remettant au Père pour traverser le ravin de la mort. Soumission d’amour, grâce à quoi les brebis reçoivent de lui subsistance et liberté. Mais parce que cette soumission est une communion parfaite avec le Père, portier de la bergerie, voilà que Jésus lui-même doit être reconnu comme la porte ! Passer par Lui, c’est passer par le Père. La parabole du Pasteur nous ouvre alors à la relation du Père et du Fils.

II.- La bergerie.

Le point de départ de la parabole est l’image familière pour l’Ancien Testament de la bergerie identifiée à la maison de Dieu et dont celui-ci est le portier. La bergerie accueille le troupeau, maintes fois image, quant à lui, dans la Bible, du peuple de Dieu.
Au temps de Jésus, la bergerie est un enclos délimité par un muret et placé sous la vigilance d’un gardien. C’est là qu’habituellement le troupeau passe la nuit à l’abri. Cette idée de refuge et de rassemblement font de cette bergerie une belle image de l’Eglise. En son sein, nous sommes réunis dans la confession de la même foi et dans le même amour ; nous y trouvons un refuge dans le Seigneur. Devenus enfants du Père à notre baptême, nous trouvons place en son amour ; et cet amour-là rien ne pourra nous l’enlever, aucune souffrance, aucun malheur, aucune méchanceté.
Dieu prend soin de nous mettre à part, de nous préserver. Bien souvent, nous n’en sommes pas assez conscients. Parce que nous sommes à ce point obnubilés par nos problèmes, parce que nous ployons sous le fardeau qu’ils constituent, nous ne nous trouvons plus en situation de nous rendre à l’évidence que, malgré tout cela, l’amour de Dieu demeure et que, quelles que soient nos fautes, il ne nous est pas retiré.

III.- Le pâturage.

La bergerie n’est pas un milieu clos, hermétique. Il en est de même pour l’Eglise : sa vocation est de s’ouvrir pour marcher à la suite du bon Pasteur sur les chemins de la vie. C’est à une expérience pascale que nous sommes conviés avec le Ressuscité.
« Devant moi, tu as ouvert un passage », dit à Dieu le psalmiste au psaume 30. La Seigneur a ménagé pour nous une porte : c’est le Christ. Avez-vous remarqué, en effet, que la porte dont parle Jésus s’ouvre pour faire sortir les brebis et non, comme on le croit trop souvent, pour les faire entrer. « Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir ». Faire sortir, c’est bien le plus urgent. Nous faire sortir de nos enfermements, de nos clôtures, de nos bercails étriqués, de nos vies mesquines pour une vie d’abondance ! Faire sortir, c’est le verbe biblique du Salut. Le Seigneur fait sortir la création du néant, Noé de l’Arche, son peuple d’Egypte, Jonas de la baleine, Jésus du tombeau… « Tu nous as fait sortir vers l’abondance », s’écrie encore le croyant au psaume 65. Tant de gens voudraient « s’en sortir », comme on dit. Qu’ils entrent en eux-mêmes, ils trouveront la porte salutaire, la bienheureuse échappée vers les frais pâturages. « Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage ». Il entrera dans la bergerie de l’Eglise pour avoir la foi. Il en sortira à la suite du Vivant pour la vie éternelle. C’est là que nous contemplerons Dieu face à face. Pour se faire, le Christ-Pasteur prononce un par un nos noms ; il nous connaît et nous appelle. Il nous invite à prendre la place préparée tout exprès pour nous. Il nous demande de tenir notre place dans son peuple. Pour certains ce sera dans le mariage, pour d’autres encore dans une vie consacrée, pour d’autres enfin dans une vie donnée au service de ce peuple dans le sacrement de l’Ordre.

Il y a du bonheur et de la joie à suivre le Christ. La parabole du Pasteur nous montre en même temps le vrai chemin du service de l’Eglise et des hommes. Nul n’est pasteur de ses frères, en vérité, qu’en étant dans le Christ, qui est dans le Père.
Il y a du bonheur et de la joie à suivre le Christ. N’ayons pas peur de nous mettre en route !

AMEN.

Michel Steinmetz +