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jeudi 28 février 2008

Du caractère baptismal et ecclésial de la Confirmation - article à paraître in "Caecilia" N°3 / 2008

Du caractère baptismal et ecclésial de la Confirmation

Nous entendons nous situer dans la même dynamique que celle des articles précédents sur le baptême et la première réception de l’eucharistie, à savoir l’initiation chrétienne. Pastoralement, le sacrement de confirmation pose souvent problème tant par la tranche d’âge des jeunes auxquels il est habituellement destiné, tant par le nombre restreint de personnes qu’il touche encore. Pourtant, son importance est capitale puisqu’il conduit à la maturité spirituelle du croyant.

Contrairement à la première communion qui ne distingue pas, rituellement parlant, de la célébration « ordinaire » de l’eucharistie, la confirmation, quant à elle, dispose d’un rituel spécifique avec une forte dimension ecclésiologique. Vatican II rappelle sa place fondamentale dans l’initiation chrétienne, et donc aussi le lien de la confirmation au baptême et à l’eucharistie.
Nous commencerons par apporter à la question un éclairage historique en interrogeant les pratiques multi-formes des premiers siècles, puis nous tenterons de dégager les insistances théologiques qui colorent le rituel actuel. Enfin, nous serons en mesure, tout en posant les questions pastorales propres à notre époque, d’esquisser quelques pistes de réflexion et de mise en œuvres, la musique n’existant toujours que dans l’acte même de « muzisieren » !

I. – L’organisation du rituel de l’initiation

Lorsque le rituel baptismal s’est organisé, il a pris des formes sensiblement différentes selon les Eglises. Domine cependant l’idée d’une unité substantielle de l’ensemble des rites qui font l’initiation chrétienne.

1) Un rite d’eau pour entrer dans l’Eglise.
Dès les origines, c’est par un rite d’eau que l’on entre dans l’Eglise. Paul l’atteste déjà (cf. Rm 6,3). La Didachè[1], le texte le plus ancien que nous ayons en dehors de la Bible, et saint Justin[2], au milieu du IIème siècle, mentionnent aussi le baptême d’eau : il n’est nullement fait mention d’une quelconque onction d’huile. Les candidats au baptême recevaient un enseignement sur la doctrine et la manière de vivre des chrétiens et passaient par une préparation marquée par le jeûne et la prière. On ne peut encore parler de « catéchuménat » organisé. Par contre, à partir de la fin du IIème siècle, et en raison de l’expansion du christianisme et de l’affluence des candidatures, se structure une démarche d’accession à la foi. Celle-ci sera rythmée par des jeûnes, des enseignements, des exorcismes, des célébrations symboliques durant lesquelles le symbole de la foi et le Notre Père seront confiés aux catéchumènes pour qu’ils se les approprient.

2) L’usage de l’huile.
L’usage de l’huile est attesté dans la célébration du baptême à partir du IIIème siècle. Certaines Eglises ne semblent connaître qu’une seule huile – elle serait odoriférante pour les Grecs – tandis que d’autres évoquent une « huile d’exorcisme » différente de « l’huile d’action de grâce ». A Jérusalem, on pratique une onction avant le baptême afin de « faire fuir toute trace d’énergie diverse ». A Antioche, on utilise une huile parfumée pour une onction unique avant le baptême : ce rite paraît très étroitement lié à l’immersion. L’onction développe la symbolique de l’élection par l’Esprit-Saint, mais elle est en même temps source de guérison et de purification qui ne produit son effet qu’au contact de l’eau baptismale.


3) Les rites complémentaires du baptême.
Diverses Eglises développent des rites post-baptismaux, « compléments » du sacrement. L’Afrique connaît une onction, correspondant à une consécration, et une imposition de la main. Ambroise cite une onction par l’évêque après le baptême dans l’Eglise de Milan. A Rome, par contre, la Tradition apostolique rapporte deux onctions distinctes après le baptême, séparées par une imposition de la main et suivies d’une signation[3] : l’une est faite par le prêtre, l’autre par l’évêque. Ce dernier fait la signation avec les doigts encore imprégnés d’huile. L’onction est attestée en Espagne dès le IVème siècle et, en Gaule, à partir du Vème ; il en va de même pour l’imposition de la main. La pratique des Eglises d’Orient est tout aussi diverse. Renaître de l’eau et de l’Esprit et recevoir l’Esprit-Saint sont deux dimensions de l’initiation chrétienne enracinées dans le mystère de Pâques-Pentecôte et présentes dans les rituels depuis le IIIème siècle. En Occident, le don de l’Esprit est célébré après le bain baptismal par l’imposition des mains, l’onction d’huile et la signation. L’onction se réfère à la descente de l’Esprit-Saint sur le Christ après son baptême et à son interprétation dans le Nouveau Testament : « Dieu l’a oint de l’Esprit-Saint » (Ac 10, 38), ce qui présente le Messie comme accomplissant la mission de ceux que l’Ancienne Alliance consacrait par une effusion d’huile : les prêtres, les prophètes et les rois. Double expression d’un même mystère qui a sans doute contribué, à Rome, à introduire deux onctions post-baptismales différentes. Le « sceau » qui, en marquant le front du signe de la croix, indique une prise de possession du Christ, va peu à peu se combiner au geste de l’onction, le chrême parfumé symbolisant par ailleurs la participation à la bonne odeur du Christ.


4) La dissociation baptême / confirmation.
Les Eglises latines célèbrent de manière distincte, au moins depuis le Vème siècle, le baptême et la confirmation : l’usage consiste à réserver à l’évêque le deuxième élément de l’initiation, s’il n’est plus présent au baptême, ce qui tend à devenir le cas habituel.
La « confirmation » ne connaît pas d’évolution majeure dans les siècles suivants, si ce n’est qu’elle deviend l’exclusive de l’évêque. Disparaît aussi progressivement de l’imposition de la main au profit d’une imposition de deux mains vers l’ensemble des confirmands : il faudra attendre Benoît XV au XVIIIème siècle pour que soit réintroduit le geste ancien et individuel de poser la main sur la tête de chacun. En France, dès le XVIIIème siècle, l’usage était de célébrer la confirmation après la première communion ; hors, partout ailleurs, elle était restée le deuxième moment de l’initiation, l’eucharistie en étant considérée comme le sommet. Pie X, en 1910, avance la première communion à l’âge de raison : dès lors le jeune accédait à l’eucharistie avant d’être confirmé. Avec le Code de droit canonique de 1917, la tendance semble à nouveau s’inverser avec la prescription de confirmer vers l’âge de 7 ans !

II.- La théologie du rituel de 1971.

Faisant suite à la demande du Concile Vatican II de revoir l’ensemble des rituels, celui de la confirmation a été rénové afin de « manifester plus clairement le lien intime de ce sacrement avec toute l’initiation chrétienne »[4].

1. Brève présentation des rites.
Trois configurations sont prévues pour la célébration de la confirmation : dans le cadre de l’initiation des adultes, en lien avec celle des enfants en âge de scolarité et enfin pour ceux qui ont été baptisés enfants. Dans les deux premiers cas, la confirmation prend place au sein de l’eucharistie baptismale qui comporte notamment déjà la profession de foi baptismale. Dans le dernier cas, elle est habituellement célébrée au cours d’une eucharistie avec des jeunes ayant entre 12 et 18 ans. En voici le déroulement :
- après l’homélie, l’évêque appelle les confirmands, accompagnés chacun de son parrain ou de sa marraine de confirmation,
- puis vient la renonciation au mal et la profession de foi baptismale (comme à la Vigile pascale) ; l’assemblée est alors aussi invitée à dire son adhésion à cette même foi ;
- l’imposition des mains, par l’évêque et les prêtres qui l’entourent, sur l’ensemble des confirmands. Seul l’évêque prononce la prière à l’Esprit-Saint. Cette dernière peut être suivie par un chant à l’Esprit.
- l’onction de Chrême sur le front – par laquelle le sacrement est conféré dans l’Eglise latine[5] - avec les paroles : « N., sois marqué de l’Esprit-Saint, le don de Dieu ».
- puis vient la prière universelle et la messe se poursuit comme à l’accoutumée.


2. Ce que signifie aujourd’hui la confirmation.
Dans la cas du baptême des petits-enfants, le prêtre fait toujours l’onction de Saint-Chrême, rappelant que Dieu les « marque de l’huile du salut », les fait « renaître de l’eau et de l’Esprit » et les intègre à son Corps comme « prêtre, prophète et roi ». Dans les autres cas précédemment cités, seule l’onction de confirmation est faite. Cette dernière intervient toujours en vue du témoignage : « Par le sacrement du baptême, leur lien [celui des confirmands] avec l’Eglise est rendu plus parfait, ils sont enrichis d’une force spéciale de l’Esprit-Saint et obligés ainsi plus strictement tout à la fois à répandre et à défendre la foi par la parole et l’action en vrais témoins du Christ »[6]. Ce texte est repris dans la présentation du nouveau rituel[7] qui ajoute encore : « Par ce don de l’Esprit-Saint, les fidèles sont rendus plus parfaitement semblables au Christ, et ils sont fortifiés de la force de l’Esprit pour rendre témoignage au Christ, afin que le corps du Christ s’édifie dans la foi et la charité »[8]. A la question – légitime – que nous pourrions nous poser en nous demandant ce qu’apporte réellement la confirmation, il faut nous dessaisir quelque peu d’une vision trop scolastique qui fait coïncider une parole, un geste et la grâce du sacrement. Pour les Anciens, la grâce se déployait – réellement – à l’intérieur d’un ensemble de rites. Il importe aujourd’hui de penser la confirmation avec ce souci de l’unité des rites divers qui composent l’initiation chrétienne.

III.- Questions pastorales

Les regards successifs que nous avons pu porter sur la confirmation permettent maintenant de prendre un peu de recul pour tenter d’en discerner les enjeux.

1. La place du sensible
Le recours à l’huile parfumée du Chrême et à l’onction peut nous interpeller sur la place que nous réservons au « sensible » dans nos célébrations souvent fort (voire trop) intellectuelles. A la confirmation, le geste et la matière parlent d’eux-mêmes… encore faut-il que l’onction soit faite avec lenteur et générosité par le confirmateur, que l’huile puisse véritablement marquer le confirmé et son odeur se répandre. Quel sera le récipient qui contiendra le Chrême ? Sera-t-il digne, propre ? Sera-t-il mis en valeur près de l’autel pendant la célébration ? L’apportera-t-on dans la procession d’entrée, pourquoi pas entouré de cierges ?


2. La place de l’Esprit.
La théologie et la prière occidentales ne font pas vraiment la part belle à l’Esprit, contrairement à l’Orient. La confirmation pourrait rappeler le rôle essentiel de l’Esprit-Saint. Quels chants seront retenus ? Que diront-ils de l’Esprit ? Une hymne à l’Esprit pourra suivre la prière du confirmateur et des chants à l’Esprit accompagner la chrismation.


3. Un enracinement personnel et communautaire.
La confirmation fait se conjuguer la dimension personnelle et communautaire. Personnelle, parce qu’elle marque habituellement la fin de l’initiation chrétienne donc la maturité spirituelle du croyant, renvoie au baptême et prend sens dans l’eucharistie. Parler d'initiation chrétienne, c'est situer ces sacrements dans une même visée. C'est comprendre qu'on ne devient pas chrétien à part entière par le seul baptême, avec la conséquence qu'on cherche alors pour la confirmation un autre but. C'est reconnaître que l'on est fait chrétien par l'entrée dans le mystère pascal en toutes ses dimensions. Ce dernier consiste dans la mort et la résurrection du Christ, mais aussi dans le don de l'Esprit, et encore dans la naissance de l'Eglise. Communautaire ensuite, parce que l’évêque en est le « ministre originaire »[9], que par sa présence il situe le sacrement dans la succession apostolique ; parce qu’encore l’assemblée est partie prenante de la célébration pour entourer les confirmands et fortifier leur foi. On sera alors attentif à la formulation des chants : il serait heureux que ce côtoient et se mélangent des « je » et des « nous » pour signifier l’Eglise.


4. La mission
Si la confirmation correspond au don spécial de l’Esprit pour le témoignage, le croyant participe dès lors à la mission même de l’Eglise : il s’inscrit dans le va-et-vient d’une eucharistie à la fois source et sommet de l’existence chrétienne, traduisant en acte la grâce reçue et s’en nourrissant. Dans la célébration, la présence de croyants engagés dans les « œuvres », les services caritatifs, est importante. On sera de même attentif au temps de l’envoi : un chant pourra accompagner une procession de sortie jusque sur le parvis, l’ensemble de la communauté suivant la procession liturgique en chantant…

Le modèle de l'initiation chrétienne est subtilement agencé ; le baptême et la confirmation ne sont célébrés qu'une fois, nous branchant au long de notre existence. Mais l'eucharistie, elle, se répète. On est donc fait chrétien par deux actes irréitérables, et par un troisième qui nous introduit dans la durée. Ce qui a été réalisé une fois pour toutes, à la racine de nous-mêmes, doit prendre corps tout au long de notre existence, dans les diverses circonstances qu'elle va nous faire vivre. Tel est l’enjeu de l’initiation chrétienne.


[1] Didachè, 7, 1-4.
[2] Justin, 1ère Apologie, 61, 2-3.
[3] On entend par signation le fait de tracer le signe de la croix, ici, sur le front de la personne.
[4] Sacrosanctum Concilium, N° 71.
[5] Déclaration de Paul VI.
[6] Vatican II, Lumen Gentium, N°11.
[7] Paul VI, Constitution apostolique, Divinae consortium naturae, 15 août 1971.
[8] Rituel de la Confirmation, Orientations, N° 6.
[9] Vatican II, Lumen gentium, N° 26.

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