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samedi 24 novembre 2007

Homélie de la fête du Christ-Roi de l'univers - dimanche 25 novembre 2007


«Jésus souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne». Luc 23, 42

Il est pour le moins étonnant qu’au jour où nous fêtons le Christ, Roi de l’Univers, la liturgie nous fasse entendre un tel évangile. Où est-il le roi sur la croix ? Où est-il le roi face aux injures de la foule ? Où est-il le roi flanqué de deux criminels en proie, comme lui, au supplice ? Oui, nous sommes bien loin, très loin même, de ce que nous attendons communément d’un roi, des représentations que nous nous en faisons.
Pourtant c’est toujours avec la même émotion que nous relisons l’épisode de Luc, où Jésus vient d’être crucifié. Nous pourrions dépasser notre surprise, notre étonnement face à ce texte et à sa proclamation en un tel jour pour le considérer en soi. Nous pourrions un instant fermer les yeux, tenter d’imaginer la scène, nous la représenter.

I.- Que voyons-nous ?

Au sommet du Golgotha, trois croix sont dressées, trois hommes y sont suspendus ; Jésus et deux brigands. Les soldats sécurisent l’endroit et gèrent le mouvement de la foule qui nombreuse, se presse. La vindicte populaire se manifeste : des cris, des injures, des moqueries sont proférés.
La foule. C’est cette même foule versatile qui a acclamé Jésus à son entrée triomphale à Jérusalem. Quelques jours plus tard, elle se presse, avide de morbide spectacle, au pied de la croix : sa présence passive témoigne de son acquiescement : « le peuple restait là à regarder ». Parmi elle, les chefs du peuple manifestent leur satisfaction devant cette affaire rondement menée. Enfin, ils ont pu se débarrasser d’un Jésus devenu, de semaine en semaine, toujours plus gênant. « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! ». Ils reconnaissent implicitement la puissance de Jésus, mais comme le démon tentateur au désert, ils en appellent à un déploiement miraculeux de la puissance de Jésus à son profit. Or, « le Fils de l’homme est venu pour servir, non pour être servi », et encore moins pour se servir lui-même ! Les soldats se joignent à ces moqueries et en rajoutent aux quolibets : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! ». Car c’est bien comme tel que l’inscription placée au haut de la croix présente Jésus. Comme si cela ne suffisait pas, le tumulte populaire gagne maintenant les deux larrons. L’un deux défie Jésus de manifester ici et maintenant sa force et sa gloire. Mais voici que l’autre, celui que nous appelons le bon larron, le reprend vivement. Malgré sa souffrance, sa culpabilité, son angoisse devant la mort, il témoigne de sa crainte de Dieu, entendez de son profond respect pour Dieu. Malgré sa colère, malgré son sentiment, peut-être, d’injustice face à son destin, bref malgré les sentiments mêlés et contradictoires qui pourraient l’habiter à quelques moments de sa mort, il demeure digne et conscient : « Pour nous c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal ». Il voit en Jésus le condamné innocent ; il reconnaît en lui cet homme qui accepte d’aller jusqu’au bout et de vivre, jusqu’à en mourir, du message qu’il n’a cessé de proclamer sur les routes de Palestine. « Il faut que le Fils de l’Homme souffre ».

II.- C’est là que se révèle la royauté de Jésus.


Non parce que le bon larron parle du règne de Jésus. Après tout, il pourrait se tromper et faire fausse route. Il pourrait divaguer sous le coup de son angoisse face à la mort. Il pourrait se raccrocher à ce qu’il estime être pour lui son unique et dernière planche de salut. Mais parce que Jésus règne véritablement sur la croix. Pour celui qui sait encore ouvrir son cœur, cela est manifeste et grandement manifesté.
Il règne parce que, à l’instar de David, il est du même sang que nous. Partageant notre humanité en toutes choses, et n’ayant même rien fait de mal, il souffre pourtant au milieu des pécheurs, partage la souffrance du monde et la fait sienne. Cette acceptation est déjà remplie et transfigurée par l’horizon lumineux du matin de Pâques. Il récapitule tout en lui : il n’est pas que le résultat de l’incarnation, c’est-à-dire il ne fait pas que d’assumer la totalité des composantes de l’humanité dans la diversité de leurs modalités d’expression. Il est aussi – et nous oublions souvent ce point fondamental – la manifestation en son corps de l’univers déjà racheté et sauvé. Pour dire les choses plus simplement, nous voyons, quand nous contemplons Jésus, « l’image du Dieu invisible », quand nous nous mettons à l’écoute de sa vie et de son enseignement sur la terre des hommes, déjà l’univers tel qu’il sera à la fin des temps baigné de la lumière de Dieu. Tout cela est prodigieusement révélé ce jour-là sur la croix. Au milieu de la violence du supplice et de la mort du péché, la fidélité de Jésus au Père, son amour sans faille, son espérance, son pardon manifestent ce qui caractérisera le monde nouveau que Dieu nous promet et résonnent pour nous déjà comme une invitation à faire de même au cœur des moments de doute, d’abandon ou de souffrance qui jalonnent notre propre vie. La force de vie qui s’échappe paradoxalement de la croix nous gagne et nous irradie. « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras en paradis ! ».

Aujourd’hui, où sommes-nous au pied de la croix ?
En quels propos nous retrouvons-nous face à ce roi sans armée, face à ce roi souffrant, face à ce roi dont la seule force est l’amour ?
Que sommes-nous prêts à faire pour que grandisse ce « règne sans limite et sans fin : règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » (préface de la messe) ?

AMEN.

Michel Steinmetz +

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