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jeudi 25 janvier 2007

Notice sur la Profession de Foi durant l'eucharistie - article à paraître in "Caecilia" N°2 - 2007


« C’est toujours la même chose ? Ne pourrions-nous pas varier un peu de temps en temps ? ». Cette remarque, nous l’entendons souvent en ce qui concerne la liturgie, et plus particulièrement la « profession de foi ». Au-delà de considérations sur le caractère fondamental, pédagogique et intrinsèque de la répétition en liturgie, nous pouvons néanmoins retenir avec sérieux cette interrogation.

Le « credo » que la Présentation Générale du Missel Romain (PGMR N° 43) désigne comme « profession de foi » ou « symbole » est prévue les dimanches, jours de solennités et lors de célébrations particulières particulièrement solennelles. Il trouve place après l’homélie et avant la prière universelle, lorsqu’elle a lieu.

Si plusieurs questions méritent d’être abordées ici, il conviendra tout d’abord d’apporter quelques précisions historiques et philologiques (1). S’en dégageront deux axes forts pour la réflexion : d’une part la dimension éminemment pascale de ce rite (2), d’autre part la dimension ecclésiologique par l’affirmation de l’unité de l’Eglise (3), unité qui permet la célébration de l’eucharistie, sacrement de l’unité de tous en un seul Corps. Enfin, plusieurs questions se poseront à la pastorale et interpelleront nos usages actuels (4). Il s’agira de les pointer et de tenter quelques réponses.

1. Précisions historiques et philologiques.

Il est nécessaire, dans un premier temps, de définir les termes de notre question et d’en étudier succinctement le développement à la fois dans le temps et l’espace.
Qu’est-ce qu’un « credo » ? Le « credo » est un texte normatif regroupant des donnés d’ordre dogmatique. « Symbole », il a pour but d’offrir une synthèse de la foi et permet d’unir ceux qui la professent en de mêmes termes.
Quand apparaissent les « symboles » de foi ? Dans les premiers siècles, la foi chrétienne est sérieusement ébranlée par des hérésies[1] qui déchirent la chrétienté, parfois non sans jeu d’influence politique. Des conciles définissent alors le donné de la foi « orthodoxe » qu’il convient de professer pour être « dans » l’Eglise.
Quand les « symboles de foi » prennent-ils place dans la liturgie ? A l’origine, ces textes ne sont pas composés pour un usage liturgique. Trois, pourtant, ont intégré la liturgie romaine : le symbole des Apôtres qui fait partie des rites préparatoires au baptême à Rome dès le Vème siècle (aujourd’hui, il est licite, en France, par décision de la conférence épiscopale, de l’utiliser comme profession de foi à la messe) ; le symbole dit de saint Athanase qui combat spécialement l’hérésie de Nestorius[2], condamnée au concile d’Ephèse en 431, et celle d’Eutychès[3] condamnée au concile de Chalcédoine en 451; le symbole de Nicée-Constantinople, qui ajoute au symbole des Apôtres les affirmations des conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381). C’est ce dernier texte qui y est normalement utilisé dans la liturgie. L’insertion du credo à la messe ne se fit que lentement, suscitant des réticences. Au VIème siècle, le patriarche Timothée de Constantinople (511-517) prescrivit, non sans visées polémiques, qu’il serait récité à toutes les messes solennelles. En Occident, une prescription identique fut prise par le IIIème concile de Tolède (589), en réaction à l’arianisme[4] : la récitation du credo se plaçait alors juste avant le Pater, donc en préparation à la communion. En 794, Charlemagne introduisit cet usage à la cour d’Aix-la-Chapelle. En 1014, enfin, l’empereur Henri II, venu à Rome, fit pression sur le pape Benoît VIII pour qu’il adoptât le même usage à Rome. Chez les Byzantins et les Coptes, le symbole suit le geste de paix et est en relation avec lui.
Aujourd’hui, le Missel de Paul VI désigne le credo comme « profession de foi » pour rappeler non seulement le baptême mais aussi la réception de la Parole, préalable nécessaire à la célébration du sacrement[5].

2. Une dimension pascale.

La profession de foi est prescrite à des moments où le mystère de mort et résurrection du Christ fait l’objet d’un faire-mémoire fondamental.
Dire ou chanter la profession de foi le dimanche. Il y a là une dimension éminemment pascale. Pâques est la fête de la Résurrection et donc la fête par excellence du baptême car, par la grâce de ce sacrement, des hommes et des femmes morts avec le Christ au péché sont ressuscités avec Lui. En conséquence, les chrétiens sont invités, lors de la Vigile pascale, mais aussi lors de l’eucharistie dominicale, à renouveler l’engagement de leur baptême. Ils le font en reprenant, non sous la forme de la triple interrogation propre aux baptêmes et à la nuit pascale, le symbole des Apôtres ou sa forme plus développée de Nicée-Constantinople.
Dire la foi de l’Eglise : un préalable à la célébration du sacrement. L’Histoire nous l’enseigne : le credo prend place habituellement tout juste avant la liturgie eucharistique, c’est-à-dire au moment où, aujourd’hui encore, les catéchumènes sont invités à quitter l’assemblée puisque l’eucharistie ne peut être célébrée qu’en présence des baptisés – non par quelque velléité de repli sectaire mais parce que seuls ceux qui partagent la même foi sont aptes à recevoir le pain et le vin comme Corps et Sang du Christ.
Dire la foi de l’Eglise requiert un assentiment personnel. Le credo emploie la première personne du singulier : « je crois ». Cet acte locutoire est de première importance : dans l’assemblée liturgique chrétienne, le croyant, même s’il est porté par ceux qui l’entourent et qu’il est pris dans le communion des saints, est personnellement impliqué. S’il est agrégé, avec d’autres, au même corps ecclésial, il en demeure un membre unique et nécessaire.

3. Une dimension ecclésiologique.

Parce que fait en Eglise, au moment de la célébration de l’eucharistie, sacrement de la communion et de l’unité, la profession de foi implique et exige l’unité de tous.
Le contexte historique des grands schismes et la nécessité de l’orthodoxie catholique. De nos jours, les erreurs en matière de foi sont plus liées à une carence catéchétique qu’à une volonté délibérée de nuire à l’unité du corps ecclésial. Il n’en demeure pas moins vrai que réciter le credo est un signe de reconnaissance dans la foi de tous les chrétiens et en même temps le rappel fait à chacun de son propre baptême. Proclamer ces paroles fixées par l’Eglise indivise (c’est-à-dire avant les grands schismes), c’est aussi inscrire au cœur de la célébration l’exigeante nécessité de l’œcuménisme et nous rappeler que la foi chrétienne se fonde sur l’amour de Dieu qui dépasse toujours nos divisions.
Le mot « symbole » vient de cet usage grec par lequel on reconstituait un objet d’argile brisé en réunissant ses parties : ainsi chacun des possesseurs d’une des parties était uni à l’autre dans la participation à cette recréation. Il en va de même avec la profession de foi : elle est ce qui nous unit les uns aux autres et un chacun avec Celui que cette foi entend confesser et célébrer.
Nous disons : « je crois ». Pourtant, il peut arriver que j’éprouve des doutes ou que je sois en proie à une difficulté de croire tel ou tel point de l’enseignement de l’Eglise, en prononçant ces mots : « je crois », j’exprime ma volonté de communier à la foi de l’Eglise plus grande que mon peu de foi. J’accepte de m’en remettre à la foi de ceux qui m’entourent. Et bien plus encore, par ma bouche, c’est l’Eglise qui fait entendre sa voix et dit : « je crois ». D’ailleurs, dans la prière pour la paix, le prêtre ne demande-t-il pas : « Seigneur, ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Eglise » ?

4. Questions posées à nos usages.

On en conviendra d’emblée : la dimension à la fois pascale et ecclésiologique de la profession de foi nous demandent le plus grand respect et la plus grande fidélité par rapport au texte. Si certaines formulations peuvent nous paraître obscures ou désuètes, nous ne sommes pas autorisés à changer les termes sur lesquelles repose notre unité et qui nous appellent à une unité retrouvée.
La place de la profession de foi en débat. Après le concile, Lucien Deiss, notamment, faisait remarquer que la profession de foi brisait la dynamique partant de la proclamation de la Parole de Dieu et allant jusqu’à la formulation d’intentions de prières jaillie de son écoute et de sa méditation. Pourtant, déjà avant le VIIIème siècle, la prière universelle conclut la liturgie de la Parole lorsque les fidèles baptisés se retrouvent seuls.[6]
Dire ou chanter ? La PGMR laisse toute liberté sur ce point mais précise « si la profession de foi est chantée, ce sera habituellement par tous on en alternance ».[7] Il ne s’agit pas de donner une importance excessive au credo (qui n’est pas une prière au sens strict, mais l’assurance que tous partagent la même foi) comme cela a pu être le cas avant le concile où il occupait – par sa longueur et son traitement – une place de choix dans les « messes en musique », mais le chanter comporte des avantages : cela favorise une unité dans la proclamation dans un texte relativement long. On usera alors de mélodies simples, porteuses des paroles et régulatrices du débit verbal. Un modèle en la matière sont assurément le Credo I et son dérivé le Credo II, où la cantillation est marquée par une unique formule mélodique, composée de deux ou trois incises, et qui est adaptée à toutes les phrases du texte. Si on opte pour la récitation du credo, une solution consistera à garder l’alternance entre l’assemblée et le prêtre, ce dernier pouvant alors imprimer un certain rythme, en accélérant un débit traînant et langoureux, ou, au contraire, en ralentissant une récitation hâtive et brouillonne.
Le statut littéraire du texte rend très difficile sa mise en musique : c’est sans doute pour cela que le répertoire en langue française est encore si pauvre de nos jours et que de rares compositions n’ont pas trouvé d’écho satisfaisant dans les paroisses. Si des solutions responsoriales[8] sont parfois envisagées, elles demeurent une faible réponse[9] en regard du modèle grégorien qui apparaît comme une pratique référentielle qu’il serait heureux de transposer, avec tout le génie nécessaire, à notre langue !

Quoi qu’il en soit, on se souviendra qu’au-delà de l’énoncé de foi, l’acte du croyant dépasse ce qui est énoncé et atteint jusqu’à la Personne affirmée : Dieu lui-même ![10]
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[1] Une hérésie est une affirmation de foi déviante qui va à l’encontre de celle professée en Eglise.
[2] Nestorius établit une distinction fermée entre la divinité et l’humanité du Christ. Eutychès, quant à lui, prône qu’il n’y a qu’une seule nature en Christ.
[3] Ce symbole était récité jusqu’en 1955 le dimanche à la fin de l’office de Prime.
[4] Selon Arien, le Fils de Dieu est inférieur au Père.
[5] Chez les Arméniens, le diacre faisait la profession de foi après la proclamation de l’Evangile en tenant le Livre ouvert et élevé.
[6] Constitutions apostoliques, VIII, 6, 11-16, 6.
[7] PGMR 44.
[8] Un refrain est intercalé entre les affirmations de foi confiées à un soliste.
[9] On pourra songer ici à la version Berthier (L 223-1 – LAD 227) qui rend de fiers services et qui dépasse le stade de l’alternance entre la récitation et le refrain chanté.
[10] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae, 1,2,2m.

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